CAFÉS MOULUS
Nicolas De CRÉCY
Préface de Jean-Christophe MENU
Je ne sais pas si Nicolas De Crécy est vraiment un habitué des cafés.
En tout cas, chacun des dessins présentés ici restitue une ambiance de bistrot tellement juste qu'il suffit de les regarder pour se retrouver dans un type d'établissement particulier et pour avoir sous le palais le goût d’un certain breuvage.
Le café parigot du coin, où ceux qui se connaissent depuis trente ans vont écluser le demi de dix-sept heures ; la terrasse ensoleillée à l'aube où la tasse de café noir ne peut signifier qu'une nuit blanche ; l'horrible bistrot d'habitués au bord de la Route Nationale dont on voudrait bien ressortir en courant mais c'est le seul à vingt bornes à la ronde ; le petit bar magique qu'on découvre en passant dans une ville inconnue, à la déco inchangée depuis quarante ans, qui fait chaud au cœur ; la terrasse provençale où il fait bon boire un rosé de pays bien frais en plein cagnard ; le dernier rade ouvert la nuit, celui où se retrouvent tous les tarés du quartier jusqu'à la fermeture...
Ces cafés, De Crécy en restitue l'essence si sûrement qu'il est impossible de se méprendre sur l'endroit où ils peuvent se trouver ou sur les opinions politiques du patron. Du carrelage jusqu'au style des verres, De Crécy habite vraiment ces lieux, d'une façon presque inquiétante.
Alors de deux choses l'une : soit De Crécy est un alcoolique en phase terminale et son trait lâché et tremblotant montre bien à quel degré de biturage il en est lorsqu'il fait tous les troquets de Montpellier pour y dessiner les épaves de son espèce, soit De Crécy est un jeune homme sain et sobre qui a juste la curiosité un peu malsaine de regarder la faune des tripots lorsqu'il passe dans la rue entre deux rendez-vous sérieux, et il est capable de formidablement en restituer toute l'atmosphère et tous les travers en un clin d'œil.
Personnellement je préfererais la deuxième solution, parce que si De Crécy voit vraiment ce genre de gros oiseaux à bretelles dans les estaminets de par chez lui, il y a de quoi craindre pour sa santé.
Même moi, je ne leur vois pas de bretelles, aux oiseaux.